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Intouchable, Pogacar est dans la galaxie des plus grands… malgré les soupçons de dopage

Après ses victoires en 2020 et 2021, Pogacar a remporté ce dimanche un troisième sacre, au terme d’un épilogue attendu. Cité comme l’immense favori, le Slovène n’a jamais laissé d’espoir à la concurrence. Tant pis pour le scénario, sans suspense.
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À Florence, la cité des Arts, un air de musique classique divertit les passants. Certains sont munis d’un éventail pour lutter face à la canicule qui habite les abords du Palazzo Vecchio, lieu de départ de la présentation des coureurs. Lorsqu’il monte les marches, lunettes jaunes sur la tête, Tadej Pogacar a déjà le regard d’un homme qui veut régner à nouveau sur la Grande Boucle. Un intérêt pour ses rivaux, certes, mais surtout une assurance qui en déroute plus d’un.

Un peu moins d’un mois plus tard, dans la Cité des Anges, où ses démons abordent le mot « dopage » dans chaque phrase prononcée, le Slovène achève une partition parfaite. La note est salée pour ses concurrents, incapables de monter sur la même scène. L’homme, muni de jaune, au sourire enfantin, savoure la salve d’applaudissements.

Six victoires, six actes d’un récital. Le théâtre de Nice, où jadis, Luciano Pavarotti se produisit, n’a pu que saluer l’hégémonie d’un grand. Celui qui peut s’asseoir au balcon des légendes, aux côtés d’Eddy Merckx ou Bernard Hinault, deux champions qui ne cessent de vanter les prestations hors catégorie de « Pogi ».

Acte 1 : l’avertissement

En prélude du Tour, lorsque les différents acteurs enfilaient leur tenue de jeu, l’avis général pointait une formation UAE, qui se démarquait comme l’épouvantail. La troupe composée de Nils Politt, Tim Wellens, Pavel Sivakov, Marc Soler, Joao Almeida, Juan Ayuso et Adam Yates, donnait des sueurs froides aux adversaires. «À quelle sauce serons-nous mangés?», s’interrogeaient certaines équipes, lors des briefings. Le week-end de répétition sur les routes italiennes avait livré les premiers enseignements quant au niveau réel de Jonas Vingegaard, le double vainqueur sortant. «On savait que s’il était au départ, c’est parce qu’il est en forme», avait précisé le Slovène. Une étape de sprint, en guise d’entracte, le troisième jour, laissait le temps aux hommes du classement général de reprendre l’énergie nécessaire avant le premier rendez-vous montagneux. Dans le Galibier, le rouleau compresseur UAE a lancé son «patron» vers la victoire à Valloire. Deux coups de poing simultanés sur le torse pour affirmer sa supériorité plus tard, «Pogi» entamait sa lancée vers le sacre. Même si quelques jours plus tard, au sommet du Lioran, quelques petits doutes ont gagné son esprit. «Visma peut essayer de me déstabiliser mentalement, cela ne marchera pas.»

Acte 2 : le coup de massue

Les quelques craintes du Lioran étaient visiblement plus faciles à digérer, que la truffade, cette spécialité locale qui remplit l’estomac, avec une simple cuillerée. Le Pla d’Adet devait apporter d’autres éléments au spectateur et au critique. Dans ce col, où il a battu le record de Lance Armstrong, Pogacar a écrasé la concurrence, amorphe. Même les chips jetées au visage du Slovène, par un homme au chapeau visiblement déçu de la pièce qu’il regardait, ou tout simplement un gugusse imbibé par l’alcool, n’ont pu stopper le coup de force. À cet instant, plus personne n’imaginait une autre issue qu’une victoire finale du porteur du maillot jaune.

Acte 3 : la controverse

Au Plateau de Beille, toujours abasourdis par le scénario cauchemardesque de la veille, les adversaires de Pogacar n’ont eu le temps d’admirer le paysage. La formation Visma, désireuse de revoir l’écrit de l’auteur, a tenté de faire vaciller le grand rival. Mais la force de ce dernier a largement pris le pas sur la tactique, certes «courageuse», de l’équipe néerlandaise. Un petit coup d’accélérateur et Pogacar s’affirmait un peu plus comme le roi des Pyrénées, et du Tour, avec en prime le record de Marco Pantani, explosé. De quoi déclencher les polémiques habituelles sur les réseaux sociaux. Watts, performances, entraînements scrutés au moindre détail, chacun s’en fera son avis, en fonction des éléments qu’il possède dans sa besace.

Acte 4 : l’envol du maître

La Bonette et son décor de rêve, le moment le plus attendu de la pièce, n’ont pas eu l’effet escompté. Les poids lourds du peloton ont visiblement préféré profiter du paysage, avant la montée vers Isola 2000. Jamais rassasié, tel les grands champions du sport dont certains qu’il admire, Pogacar a appuyé sur les pédales et s’est envolé, mettant fin au maigre suspense qui existait encore. Le poing levé vers ses supporters slovènes, le bisou à Urska Zigart, sa compagne, le grimpeur de 25 ans pouvait savourer son excès de pouvoir. Le sacre ne pouvait plus lui échapper.

Acte 5 : l’opportunisme

Pour l’amoureux de suspense, cette Grande Boucle ne constituait pas vraiment le plus beau spectacle auquel assister. Le héros annoncé n’a jamais connu de péripéties. Tout au plus, un petit coup de stress. L’histoire voulait, cette fois, que ses adversaires se déchirent pour la deuxième marche du podium. En sifflotant, dans le Col de la Couillole, Pogacar a assisté à la lutte entre ses poursuivants. Jusqu’à se retrouver dans la roue de son rival danois, presque sans le vouloir. Comme si le destin avait décidé que l’heure de la revanche de ces deux dernières années avait sonné. L’occasion de vaincre son meilleur ennemi était trop belle. «On ne donne rien à son rival. Quand vous pouvez jouer la gagne, il ne faut surtout pas s’en priver.»

Acte 6 : la dernière claque

Sur ses routes d’entraînement, même s’il restait sur deux succès d’affilée, le Slovène n’avait pas caché son désir de marquer une dernière fois les esprits. En lutte avec Vingegaard, il a dompté le parcours exigeant entre Monaco et Nice, avec une bonne minute d’avance sur son rival. En deux grands tours, cette saison, Pogi a glané douze bouquets de vainqueur. Avec six victoires, la même année au Tour de France, il égale notamment les performances d’Eddy Merckx (1969 et 1972), Luis Ocana (1973) ou encore Mark Cavendish (2009). Certains rêvent désormais qu’il prenne part à la Vuelta pour ouvrir une nouvelle page de l’histoire. Sauf immense surprise, il ne sera pas au départ à Lisbonne. Dans l’état actuel des choses, on ne peut que saluer la suprématie d’un champion, sans doute le meilleur du siècle, dans le microcosme du cyclisme. Rideau.