Sarah Chaâri en bronze : « Une médaille olympique, c’est plus fort qu’un titre mondial »

Au bout du suspense ébouriffant, à deux dixièmes de seconde de la fin, la Carolo de 19 ans a fait la différence in extremis pour s’ouvrir le chemin du podium.
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BELGA

Grandiose. À couper le souffle. En descendant l’escalier principal du Grand Palais pour rejoindre l’hexagone de combat, en réajustant son dobok avant la finale pour la médaille de bronze (catégorie moins de 67 kilos), sans doute a-t-elle songé aux fondements de son sport. « La voie des pieds, des poings et de la sagesse ». Dans sa longue journée olympique, Sarah Chaâri a mélangé tout cela, avec le plus d’harmonie possible. Avec énormément d’émotion surtout, celle qui l’a transpercée dans les ultimes dixièmes de seconde d’un combat qui était sacrément mal embarqué, face à l’Ouzbèke Ozoda Sobirjonova. Celle qui l’a envahie lorsque la décision du referee, via la vidéo, lui a in extremis attribué la victoire. Sur le gong, « on te buzzer ». Quelques minutes à peine après les prestations historiques de Nafi Thiam et Noor Vidts au Stade de France, la Carolo a offert une 9e médaille olympique à la Belgique, la toute première de l’histoire pour le taekwondo belge.

« Je ne me rends pas encore compte de ce qui vient de se passer, je vais d’abord retrouver ma famille et mes amis pour partager tout ça. » Les yeux brillent, les larmes coulent sur son visage rougi par l’effort, par la confusion des sentiments sans doute aussi. Est-ce plus fort qu’un titre mondial ? Une seconde de réflexion, alors que le drapeau belge est posé sur ses épaules. « Oui, oui ! On travaille plusieurs années pour cela. Une médaille olympique, quelle que soit sa couleur, c’est le Saint-Graal. Pour moi, c’est déjà un accomplissement… »

Se redresser après une défaite, le vrai défi

La benjamine de la délégation (19 ans) n’a pas été écrasée par la majesté des lieux, à peine plus par l’enjeu : Sarah Chaâri s’est au contraire servi du contexte unique et universel des Jeux, sous les ors centenaires du Grand Palais, pour éprouver un plaisir fou sur le tatami, sous des milliers de paires d’yeux étonnés par l’aplomb d’une jeune femme pourtant attendue au tournant par toute la concurrence. Un statut de numéro 1 mondiale, ça change le regard des autres, à défaut de la sportive elle-même.

Malgré deux victoires plutôt aisées en matinée, elle était restée prudente, sur ses gardes. À raison. Lucide sur l’imprévisibilité d’un tournoi qui ne ressemble à rien d’autre, l’étudiante en médecine n’avait finalement que faire de son statut de numéro 1 mondiale ou de statistiques prétendument avantageuses face à sa rivale en demie, Viviana Marton. Plus dynamique et mobile, la Hongroise allait lui barrer la route de la grande finale. C’est dans les heures qui ont suivi, interminables, que son principal défi se cachait. « D’habitude, quand on est battu, on rentre à la maison. Ici il fallait se remobiliser mentalement, se remettre dedans pour aller chercher une médaille via le repêchage. J’ai eu du mal mais l’équipe a été là, heureusement… »

Avec le cœur surtout

Un petit rire nerveux ponctue ses propos, dans le vacarme assourdissant du Grand Palais. La Carolo sait qu’elle est passée à un fifrelin du pire résultat aux Jeux, lorsqu’on vous prive de podium. Son destin s’est écrit à un dixième de seconde de la fin du combat, au bout du bout, alors que tout semblait perdu. Un genou adverse qui touche le sol suite à une offensive désespérée, un arbitre qui s’interroge et demande le VAR, une pièce qui tombe du bon côté dans une salle divisée par le verdict. « J’étais pourtant très mal embarquée, je ne parvenais pas à trouver la bonne distance par rapport à l’adversaire (défaite 16-2 en première manche !). Le coach a alors insisté pour que je reste calme, que je ne m’expose pas trop et reste patiente. » Une gestion finalement payante. « J’ai tout donné à la fin. Parfois ça passe, parfois ça casse. Et là c’est passé ! »

Touchante de sincérité, profondément émue, la benjamine de la délégation belge a concrétisé les espoirs que son talent intrinsèque et un CV déjà étonnant avaient fait naître, même si l’échéance 2028 était plus souvent évoquée. « Los Angeles, c’est encore loin mais ça donne un but, de super perspectives. On va vite se remettre à travailler pour cela. »

Ce vendredi à Paris, la « tueuse à sang-froid » (un de ses surnoms dans le petit monde du taekwondo) a frappé quand on ne l’attendait plus. Elle non plus sans doute. La voie des pieds, des poings et de la sagesse. Du cœur surtout aussi. Cette longue journée olympique était exceptionnelle mais ne restera assurément pas unique dans la vie de Sarah.