Son insouciance, son appareil dentaire, ses mèches dorées, son visage aux traits enfantins traduisent une jeunesse irréfutable, étincelante. Celle d’un crack générationnel lancé à pleine balle. Lamine Yamal, nouvelle pépite du football espagnol qui dribble aussi vite qu’il ne brise les records de précocité. Dimanche, en finale de l’Euro 2024 contre l’Angleterre, alors qu’il aura à peine soufflé ses 17 bougies, le joyau de la Masia peut poser la première grande pierre de sa carrière professionnelle qui doit l’amener à mettre l’Europe, voire le monde, à ses pieds.
Fruit de l’union entre un père marocain (peintre en bâtiment) et d’une mère équato-guinéenne (employée chez McDonald’s), Lamine Yamal a toujours porté l’Espagne dans son cœur. Le garçon a grandi dans la région catalane au sein d’une famille amoureuse de football. Son père l’a inscrit au sein du club local de La Torreta où il frappe dans ses premiers ballons alors qu’il n’a que trois ans. Ses qualités innées de dribble, de conduite de balle et de vitesse sautent néanmoins rapidement aux yeux. « Lamine était génial, il avait déjà de très bonnes dispositions », soulignait l’un de ses anciens formateurs. Quelques mois plus tard, ses parents se séparent, il doit alors déménager, avec sa mère et sa sœur, dans le quartier défavorisé et parfois stigmatisé de Rocafonda. Le jeune homme s’y amusait dans les parcs en béton, ce qui lui avait permis de développer sa technique… et de taper dans l’œil du Barça. Ce quartier, il ne l’a d’ailleurs aucunement oublié puisqu’à chacun de ses buts, il forme le chiffre 304 – en référence au code postal – avec ses doigts.
Une première saison pleine avec le Barça
À sept ans à peine, Lamine Yamal intègre donc la Masia, le célèbre centre de formation blaugrana et véritable pouponnière de talents. Grâce à ses aptitudes largement au-dessus de la moyenne, il gravit les échelons deux à deux et brise sans cesse les habituels temps de passage. L’ailier est d’ailleurs régulièrement amené à évoluer dans les catégories d’âge supérieures, et l’issue devient très vite inéluctable pour les hauts dignitaires du club : un jour ou l’autre, il évoluera en équipe première. Pour le coup, il n’a pas fallu attendre très longtemps. Parce que, dès ses 15 ans, il effectue ses premiers pas aux entraînements dirigés par Xavi. Quelques mois plus tard, en avril 2023 précisément, il obtient ses premières minutes chez les professionnels contre le Betis Séville. L’histoire est lancée.
« Moi, tu ne me parles pas d’âge » : phrase de Kylian Mbappé devenue culte mais que Lamine Yamal aurait très bien pu paraphraser à sa sauce tant le gamin brille par sa précocité… et sa maturité. Un subtil paradoxe coulant dans ses veines. Un cocktail que le phénomène s’évertue à mettre en application sur les terrains grâce à ses prises de balle, ses décisions, ses fulgurances. Sous la vareuse des « Culers », il s’est rapidement imposé comme un élément incontournable sur l’aile droite. Parce qu’il a la faculté d’allier l’efficacité à l’esthétisme. Du jamais vu, ou presque, pour un adolescent, auteur d’une saison pleine (50 matches, 7 buts, 10 assists toutes compétitions confondues) et qui a déjà eu le bonheur de s’illustrer sur la scène aux étoiles de la Ligue des champions.
Le Barça n’a pas tardé à l’ériger comme le nouveau visage marquant de la franchise en incluant d’ailleurs, dans son contrat, une clause libératoire à… un milliard d’euros. Prodige du géant catalan certes mais pas seulement car les portes de la Roja se sont, en quelques mois, ouvertes à lui. Le 8 septembre 2023, à 16 ans, 1 mois et 26 jours, il devient le plus jeune joueur… et le plus jeune buteur de l’histoire de la sélection espagnole à l’occasion du déplacement en Géorgie (1-7). Ébouriffant.
Un savoureux mélange de génie et de justesse
Depuis lors, Luis de la Fuente n’a pas traîné pour l’installer définitivement dans son onze de base. « Lamine est un joueur spécial. Le fait qu’à son âge, il soit déjà le leader du Barça et de l’équipe nationale espagnole parle de lui-même », avouait David Villa, meilleur buteur de l’histoire de la « Selección », ébahi par une telle pépite. Cet Euro 2024 en territoire germanique, le gamin l’a abordé avec énormément d’ambition, sans la moindre crainte. Car il dégouline d’assurance, de confiance. Tout en ayant joliment réussi ses examens à distance durant la session de juin, il a également poursuivi sa chasse aux records en Allemagne : plus jeune joueur, plus jeune passeur… et plus jeune buteur d’un championnat d’Europe des nations. Sans oublier son impact et les misères provoquées à ses adversaires. Irrésistible et doté d’une grande personnalité ballon au pied, le n°19 espagnol parvient presque systématiquement à effectuer le geste juste, au moment opportun, dans le tempo adéquat. « Il y a des moments où je réfléchis mais, la plupart du temps, c’est instinctif. Je pense que c’est un don », expliquait-il.
Si l’enfant prodige a illuminé les pelouses allemandes ces dernières semaines (des passes décisives contre la Croatie, la Géorgie et l’Allemagne), c’est surtout sa prestation individuelle face aux Bleus qui a marqué les esprits. Avec, notamment, un « golazo » imparable du pied gauche qui a eu le don de replacer la Roja sur le droit chemin. Un enchaînement maîtrisé à la perfection. « Je ne sais pas si c’est le plus beau but du tournoi mais, pour moi, c’était une sensation indescriptible, une grande libération. Ce genre de frappe, quand elle sort de ton pied, tu sais déjà où elle termine », affirmait celui qui fut nommé, à juste titre, homme du match ce soir-là.
Luis de la Fuente, lui, ne pouvait que se réjouir de pouvoir compter sur un élément aussi singulier. « Nous avons vu un génie. Il peut être meilleur chaque jour et continuer à grandir, avec cette attitude, cette maturité et le professionnalisme dont il fait preuve. Ce dont je me réjouis, c’est qu’il joue avec nous, qu’il est espagnol et que nous pouvons en profiter encore de nombreuses années », savourait le sélectionneur, sans omettre de souligner également le travail défensif fourni par le jeune homme.
« Mini-Messi »
Depuis plusieurs mois, les supporters barcelonais se plaisent à désigner Lamine Yamal comme celui qui marchera dans les pas de Lionel Messi. Un lien qui a encore pris plus d’épaisseur, ces derniers jours, à la suite d’une photo publiée par Mounir Nasraoui, le père de Lamine, rapidement devenue virale. Sur le cliché, enregistré dans le cadre d’une campagne caritative de l’UNICEF, on pouvait apercevoir le génie argentin (20 ans à l’époque) donner un bain… au bébé Lamine Yamal (4 mois). Un moment – presque biblique – que certains définissent comme la transmission d’un talent hors-norme entre le « GOAT » et son successeur désigné.
Pour autant, il convient de protéger cette pépite autant que possible. Car tout peut aller très vite dans le football, dans un sens comme dans l’autre. Xavi, son ancien entraîneur au Barça et doté d’une expérience infinie du haut niveau, préférait ne pas tomber dans le piège d’une comparaison hasardeuse. « Il y a des moments où Lamine peut ressembler à Messi quand il repique dans l’axe, s’infiltre dans la surface et met le ballon dans la lucarne. On a l’impression de retrouver du Messi en lui, mais ce n’est ni intéressant ni une bonne chose de le comparer. » Des propos validés par Lamine Yamal lui-même. « Léo est le meilleur joueur de l’histoire, personne ne peut se comparer à lui. J’aimerais avoir la moitié de sa carrière, ce serait déjà bien… » Prudence, maturité mais aussi humilité pour ce crack générationnel.